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LE MICROBIOTE INTESTINAL HUMAIN: faisons le point.

Texte: Nadine Barneche-Echeveste

Illustrations: Gaëlle Duflot

Remarque: des liens sont prévus au niveau des zones en gras et seront rajoutés ultérieurement.

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« Microbiote, les fabuleux pouvoirs du ventre », titrait il y a quelques semaines un documentaire de la chaîne Arte. Mais elle n’est pas la seule à s’emparer du sujet. Des articles de presse, des émissions de télévision traitent de ce thème avec une fréquence à laquelle personne n’était habitué jusqu’alors. Presque comme si il s’agissait là d’un sujet nouveau et important.

 

Important probablement. Mais pas nouveau, bien loin de là. Dans l’Egypte ancienne déjà, on pense que les hommes accumulent en eux des « substances animées » provenant de l’air et de la nourriture, et nombre de théories ont depuis été élaborées, corrigées, affinées, modifiées au fil des découvertes scientifiques.

Aujourd’hui cependant, les connaissances deviennent très importantes ; ce microbiote est de mieux en mieux connu, de même que son importance dans le bon fonctionnement de notre organisme, donc notre santé, ce qui explique probablement le fait qu’il devienne une sorte de « sujet sociétal ».

 

Mais qu’est-ce que le microbiote ? Il peut être défini comme l’ensemble des micro-organismes vivant dans un milieu donné, et chacun d’entre nous présente plusieurs microbiotes : celui de la peau, des voies respiratoires, du vagin, celui du tube digestif dont l’intestin…

 

Et quand on a dit ça, on n’a juste effleuré le sujet. Quelle est la composition du microbiote intestinal ? Que savons-nous de ses rôles ? Des conséquences d’un déséquilibre dans sa composition ?

 

Cet article a pour objectif de rassembler quelques notions concernant le microbiote intestinal humain, cet organe situé à l'interface entre les aliments ingérés et la muqueuse intestinale. Afin de poser des bases, mais sans jamais oublier que les mécanismes admis aujourd’hui ne sont valables que jusqu’à ce qu’un nouvel élément ne vienne contredire ce qui était jusqu’alors établi…

 

LE MICROBIOTE : UN « ORGANE » QUI S’ ACQUIERT

 

Après plusieurs siècles d’observations, de descriptions et d’appellations différentes, il est aujourd’hui connu que nos intestins abritent des centaines de milliards de micro-organismes, principalement des bactéries. Êtres hybrides, nous commençons à mieux connaître ces microbes que nous hébergeons.

L'être humain n'acquiert son microbiote qu'au moment de sa naissance, lorsqu'il entre en contact avec le microbiote vaginal de sa mère.

Toutefois, ceci n'est peut-être pas tout à fait exact car certaines études récentes suggèrent que des éléments du microbiote pourraient être acquis avant la naissance. Se pose aussi la question de ce qu'il advient de l'installation du microbiote chez les enfants naissant pas césariennes. Plus de détails sur l'acquisition du microbiote au moment de la naissance et avant.

Le microbiote de l'être humain s'installe peu à peu. Composé des éléments provenant des microbiotes vaginal et fécal de sa mère au moment de la naissance, il va ensuite se diversifier en fonction de sa nourriture et de ce qui entre en contact avec sa bouche dans son plus jeune âge. Ce n'est que vers l'âge de 2 ans qu'un microbiote proche de celui de l'adulte est installé. Il évoluera ensuite au cours de la vie.

Les éléments qui composent le microbiote sont à 99% des bactéries, mais il y a aussi des virus, des archées, des champignons, parfois des parasites... Chaque individu possède environ cent mille milliards de bactéries, un nombre supérieur à celui du nombre des cellules qui composent notre corps, et notre microbiote pèserait 1kg.

Les bactéries sont donc l'élément le plus important, numériquement parlant tout du moins, du microbiote.

Il en existe, dans le microbiote intestinal, un milier d'espèces au total appartenant à 30 genres, regroupés en phylums selon leur abondance relative (les 3 phylums les plus importants sont les Bacteroïdetes, les Firmicutes et les Actinobacteriae).

Chaque humain abrite environ 170 de ces espèces de bactéries.  Nous partageons entre humains plusieurs de ces espèces , mais celles qui nous distinguent rendent chaque microbiote unique. La présence de cette diversité d'espèces semble importante dans le bon fonctionnement de l'association microbiote/individu.

Les microbiotes se répartissent en 3 types (entérotypes) selon les genres de bactéries qui les dominent. On distinguera l'entérotype "Bacteroides", l'entérotype "Prevotella" et l'entérotype "Ruminococcus". On retrouve ces 3 groupes partout dans le monde. Le premier groupe serait lié à une alimentation riche en viande, le second à une alimentation riche en glucides.

Plus de détails sur la composition du microbiote.

LE MICROBIOTE ET L'INDIVIDU: UNE SYMBIOSE ?

Notre  vision du monde assez manichéenne  nous fait classer les choses en "bien" et en "mal". Les sciences n'échappent pas à cette tendance et il a longtemps été considéré que les microbes étaient forcément pathogènes, donc à éliminer; et que celui qui était là pour assurer cette fonction, c'était notre Système Immunitaire.

Comme bien souvent, il nous faut dépasser cette vision réductrice si l'on veut comprendre comment notre Système Immunitaire tolère une telle diversité d'êtres vivants sans les détruire.

 

Il semblerait qu'en échange du gîte et du couvert, le microbiote nous aide dans plusieurs fonctions comme:

- la digestion, en permettant par exemple de digérer certains sucres que nous ne pourrions pas digérer seuls.

- la production de vitamines , d'acides gras.

- la dégradation de certaines toxines

- la protection contre des agents pathogènes.

L'individu et son microbiote vivraient donc en symbiose.

Le Système Immunitaire produirait de petits éléments nommés Anticorps qui "surveillent" en permanence cette énorme diversité de microbes, pour vivre avec, en les contrôlant. Mais lorsqu'un membre de ce microbiote devient plus agressif et tente de pénétrer nos tissus, le Système Immunitaire réagit en l'éliminant. Puis la réaction s'amenuise lorsque l'agression est contenue. Un peu comme un ressort soumis à une force, un équilibre existe entre microbes et Système Immunitaire.

QUAND L'ÉQUILIBRE EST ROMPU

Lorsqu'il y a déséquilibre dans le microbiote intestinal, on parle de dysbiose. Les conséquences en sont multiples, et quelques-unes d'entre elles vous sont présentées ici.

L'obésité:

En France, l'enquête ObEpi de l'institut Roche a révélé que 15% des individus étaient obèses en 2012, contre seulement 8,5% en 1997.

L'obésité s'accompagne d'un risque accru de développer certaines maladies telles que le diabète ou des pathologies hépathiques.

Certes, une modification du mode de vie (plus de sédentarité, alimentation plus riche) et l'influence de certains gènes jouent un rôle dans cette augmentation.

Mais il semblerait que le microbiote intestinal fasse aussi partie des facteurs qui expliquent cette évolution.

La composition, et plus précisément la diversité  du microbiote des personnes semble agir sur l'obésité:

Chez les personnes sans surpoids, environ 15% des individus ont un microbiote peu diversifié, contre 25 à 30% chez les personnes en surpoids ou obésité légère. Dans l'obésité très avancée, jusqu'à 75% des patients ont un microbiote très peu diversifié.

Chez les personnes qui ont un microbiote peu diversifié, l'entérotype "Bacteroides" est le plus fréquent. Les entérotypes "Prevotella" et "Ruminococcus" sont quant à eux plus fréquents chez les personnes qui ont un microbiote diversifié.

Des études sur des souris montrent que les souris obèses ont  100 fois moins de bactéries "Akkermansia muciniphila" que des souris minces.

L'ensemble de ces observations conduisent à se demander si, en agissant sur la composition du microbiote, il serait possible d'agir sur sa "richesse" et donc influer sur l'obésité.

En savoir plus sur les études  concernant l'obésité.

Les Maladies Inflammatoires Chroniques Intestinales (MICI)

Comme pour l'obésité, Les MICI telles que la maladie de Crohn (maladie inflammatoire de l'intestin) seraient liées à un déséquilibre dans la composition du microbiote.

Les personnes souffrant de maladies inflammatoires de l'intestin ont souvent un microbiote appauvri.

Les malades de Crohn présentent en outre une bactérie en excès, "Bacteroide vulgatus", dont le rôle est inconnu, et une bactérie est anormalement peu présente chez eux (Faecalibacterium prausnitzi).

Là aussi, l'hypothèse selon laquelle un rééquilibrage du microbiote chez ces malades permettrait la diminution des inflammations est à l'étude.

Les maladies mentales

Les bactéries du microbiote intestinal semblent être impliquées dans certaines maladies mentales comme l'autisme, les troubles de l'humeur, l'encéphalopathie hépatique, cette liste n'étant pas exhaustive.

Aujourd'hui cependant, les connaissances sur le sujet sont encore sommaires, et les progrès passeront par une multiplication des études afin de comprendre de quelle(s) façon(s) le microbiote "dialogue" avec le cerveau.

ENTRETENIR SON MICROBIOTE

Entretenir son microbiote, c'est essayer de maintenir un microbiote riche et diversifié, voire tenter de le rééquilibrer si il est appauvri ou trop peu diversifié.

Plusieurs approches sont possibles:

- l'approche nutritionnelle, en privilégiant les aliments riches en fibres fermentescibles comme les légumineuses, le panais, les salsifis, les artichauts, les bananes..., de façon à favoriser la présence de bactéries utiles à l'organisme.

De ce point de vue, la recommandation "manger 5 fruits et légumes par jour" est un excellent conseil, même si à lui seul il n'est pas suffisant. Il faudrait aussi recommander de diversifier ces fruits et légumes.

- l'approche microbiologique en consommant des probiotiques, c'est à dire directement des micro-organismes.

- la transplantation fécale: il s'agit de transplanter un microbiote "sain et diversifié" - obtenu à partir de selles d'un individu- , à une personne en déséquilibre microbiotique. Le but étant de ré-ensemencer l'intestin de la personne en dysbiose avec des bactéries diverses et intéressantes.

Ainsi donc, le microbiote intestinal, encore méconnu dans ses rôles et ses mécanismes de fonctionnement, semble jouer un rôle fondamental sur la santé humaine, ce qui en fait aujourd'hui un sujet de société.

Un objectif pour faire en sorte que les individus pussent avoir un microbiote suffisamment riche et diversifié serait de tendre vers une personnalisation des recommandations nutritionnelles, en tenant compte du microbiote intestinal propre à chacun  et des facteurs environnementaux. Ce qui passera par l'élaboration d'algorithmes performants qui tiendront compte d'une multitude de variables liant l'alimentation, le génotype, le mode de vie et bien sûr le microbiote.

Sources:

- Thèse présentée et soutenue par Isaure Lamoueux "Flore intestinale et pathologie, étude historique des concepts du microbiote"

- www.medecinesciences.org

- Pour la Science, janvier 2015, N° 447 "Ces bactéries qui nous gouvernent".

- Dossier Pour la Science, avril-juin 2017, "Intestin, l'organe qui révolutionne la médecine".

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